Le septième continent…
« Tierra, tierra » a crié la vigie de la Pinta en 1492 ! Ce moment émouvant de la découverte du nouveau monde par Christophe Colomb, le bien nommé, a été conté avec ferveur à tous les écoliers de France et de Navarre.
Bercés par les plus mythiques explorateurs tels que Vasco de Gama, Marco Polo, Magellan et d’autres encore dès la plus tendre enfance, on n’imagine pas en réalité l’effet dévastateur de toutes ces histoires sur les petits aventuriers en herbe ou les lecteurs compulsifs des œuvres de Jules Verne.
En grandissant, ils apprennent peu à peu qu’il ne reste plus de terres ou d’île mystérieuse à découvrir sur notre planète. Ils en sont bien marris les pauvrets. Il leur faut alors se rabattre sur la science-fiction pour continuer à espérer des horizons lointains. Les plus matheux se tournent vers le ciel car l’astronomie est le dernier refuge des rêveurs.
Pourtant en ce début du XXIe siècle, ces jeunes devraient avoir de l’espoir. La petite minorité frustrée désirant non seulement crier : « terre, terre » mais aussi la fouler, verra bientôt ses vœux exaucés ! Nous pensions avoir tout conquis, quelle impudence ! Comme en 1492, un nouveau monde s’offre aux explorateurs…
Et cela grâce à notre incurie en matière de déchets !
L’alerte a été donnée par un marin américain Charles Moore (1).
Il est tombé dessus en 1997 dans le Pacifique Nord lors d’une course entre Los Angeles et Hawaï, soit une gigantesque plaque de déchets plastiques qu’il a mis plus d’une semaine à traverser. Depuis, celle-ci (2) a atteint 6 fois la superficie de la France et s’enfonce sous la surface sur 10 à 30 mètres de profondeur avec une densité pouvant atteindre les 750.000 morceaux par km2.
Pour le moment, au-delà des cagettes et autres cochonneries qui signalent l’arrivée sur zone, cela s’apparente plutôt à une sorte de soupe de plastique déchiqueté en d’infimes débris, voire des particules difficiles à distinguer. A cause des courants marins, certains l’appellent aussi « vortex de plastique » en référence au phénomène appelé » gyres océaniques » sans lequel ceux-ci n’auraient pu être piégés. (3)
Les océans sont d’immenses poubelles. Du coup, on se doute bien que d’autres zones de convergence de débris existent. Bien des navigateurs l’ont constaté !
On a d’abord cru qu’ils avaient abusé du rhum quand ils prétendaient avoir découvert de nouvelles « îles » sur à peu près toutes les mers du globe. On s’est moqué, on a voulu les réduire au silence puis il a fallu se résoudre à accepter la joyeuse vérité : de nouveaux territoires sont en train de se former sur notre bonne vieille planète ! Certes, ces espaces ne sont que la pourriture de notre société consumériste mais c’est la marque de notre époque que de transformer de la merde en or. Dans l’Atlantique Nord, c’est une plaque grande comme le Texas qui a été découverte depuis celle faite par le capitaine Moore. Nous qui manquons de place sur la terre, ne pouvons que nous réjouir de cette énième annonce !
Sixième continent, septième, huitième… où nous arrêterons-nous ?
C’est formidable parce qu’il est difficile d’imaginer que ces plaques de déchets vont arrêter de croître tant on sait les sacrifices auxquels se soumettent les populations supportant le mode de vie occidental. Les temps sont durs mais au supermarché, chacun et chacune se bousculent pour acheter le plus de plastique possible afin de contribuer à cet effort si louable. Merci à tous les pays les plus pollueurs de la planète, sans eux on serait encore en train d’ergoter sur le nombre officiel de continents sur notre terre ! Quatre, cinq, six… ? Peu importe finalement la définition ! De toute façon, pareilles aux tomates et aussi artificielles, même les îles poussent sans terre au siècle de la providence.
La « croissance » est le maître mot de notre économie, c’est acté que celle-ci s’impose dorénavant à notre géographie !
Pour ce qui concerne le Pacifique Nord, là c’est le pompon, la médaille en chocolat du caca positif à l’aune de la nouvelle écologie… car il est prévu que dans vingt ans, ce septième continent dépasse la superficie de l’Europe.
Depuis un moment déjà, nos gouvernements se sont échinés à nous expliquer que le propre de l’homme, c’est de s’affranchir des lois naturelles. Cela revient à dire qu’il nous appartient non seulement de dépasser les limites imposées par la nature en matière de procréation par exemple mais aussi de modifier notre environnement à notre guise. De ce côté-là, depuis le XIXe siècle, nous avons mis les bouchées doubles et le résultat est visible, c’est incontestable. De là, à faire naître sous nos yeux, de nouveaux espaces en mer, nous sommes enfin devenus les égaux des dieux de l’Olympe, mazette ! Et encore, eux ont fait disparaître l’Atlantide ! Nous, nous sommes capables d’en créer plusieurs à notre image !
Attendons un peu et nos enfants devenus grands pourront y planter un drapeau ! Modernité oblige, nos vigies du futur ne crieront pas « terre, terre » mais « plastique, plastique » ! Ce n’est pas un mal puisque le crédo de l’homme nouveau, c’est le recyclage.
En effet, on peut envisager d’en tirer profit de diverses manières. Les têtes de choux se sont donc penchées sur le problème… euh pardon, se sont donc penchés sur l’opportunité.
« En 2009, le cabinet d’architectes néerlandais WHIM propose de transformer ces « faux continents » de plastique en véritable territoire. Il suggère la création d’une île flottante artificielle, « recycledisland », composée des mêmes matériaux polluants qui flottent aujourd’hui dans les océans. Cette île, située dans le Pacifique Nord, serait habitable et apte à accueillir les réfugiés climatiques, de plus en plus nombreux. Dans l’esprit de ces architectes, elle devrait constituer un modèle de préservation de l’environnement, un idéal d’autosubsistance entièrement consacrée à l’écologie. » (4)
Précisons chers lecteurs qu’au départ, ce projet était une provocation car l’inertie de nos dirigeants mondiaux en matière de protection des océans, a de quoi crisper tous ceux qui n’ont pas « la tête dans le sac ». Voir en détail : http://www.recycledisland.com/
Mais « en Idiocratie, rien n’est impossible » selon le dicton de notre siècle. Cette idée ne semble donc pas si absurde dans les médias. Mieux, elle semble utile (sic) : » (..) ne serait-il pas agréable de doter les futurs réfugiés climatiques avec une nouvelle maison durable ? Non pas que quelqu’un aurait forcément envie de vivre sur un morceau de plastique flottant, mais l’idée de prendre des ordures et les transformer en quelque chose d’utile est toujours à réfléchir. » (5)
Ah que ne ferions-nous pas pour le bien des pauvres !
Plus sérieusement, il est entendu que le problème du nettoyage de ces déchets dans certaines zones maritimes ne peut être résolu en l’état actuel du droit international de l’environnement. De fait, la responsabilité de personne n’étant engagée quand « cela appartient à tout le monde », ce sont toujours les mêmes solutions qui sont proposées au niveau mondial : une taxe environnementale à la façon de celle préconisée pour les transactions financières, instaurer une nouvelle autorité supranationale ou accorder en la matière de plus grands pouvoirs à l’ONU. On sait par exemple que « le beau monde » attend avec impatience une catastrophe, voire une pandémie pour nous « protéger » malgré nous, et que ce soit en matière économique ou environnementale, plutôt que la coopération, certains réclament à cors et à cris un gouvernement mondial soi-disant pour permettre de régler définitivement les nombreuses tensions dues notamment aux prérogatives des uns et des autres et leur inaptitude à enrayer le désastre sur le plan écologique ou financier (les deux étant indissociables).
Malgré de multiples rapports alarmants qui sont remis régulièrement notamment aux ‘Nations Unies’, c’est le statu quo en ce qui concerne précisément la mort des océans à cause du plastique. On préfère pousser des cris d’orfraie sur « la gestion » de moins en moins « durable » des « ressources » tout en laissant faire… Surtout évitons de parler « plastique », les gens pourraient réaliser que le poisson pêché en mer est aussi immonde que celui des pêcheries industrielles. La carotte (un peu) bio, c’est encore possible, le poisson bio n’existe plus, qu’on se le dise ! Il y a le plastique qui flotte paresseusement en surface et celui qui coule, nettoyer le fond des océans paraît mission impossible, l’adage « loin des yeux, loin du cœur » prend tout son sens et pourtant cela finit dans nos assiettes.
Lorsque la dégradation sera irréversible (déjà en cours), alors comme en temps de guerre, on ne nous demandera pas notre avis. L’organisation des sociétés est ainsi faite que tels des enfants gâtés et irréfléchis, l’on attend toujours que l’on nous impose d’en haut, ce que l’on croit ne pas être capable de faire à notre niveau. Alors, on a beau jeu de critiquer les lanceurs d’alerte mais les poissons ayant bouffé du plastique tout l’été, à un moment ils s’arrêtent de bouger…. Et nous, on se met à crever !
A ce stade, c’est déjà trop tard généralement et les solutions proposées n’ont pour seul but que de grignoter un peu plus nos libertés en permettant au-dessus de nos têtes des organisations sur lesquelles nous n’avons aucun pouvoir, avec en plus l’opportunité pour quelques uns, de faire de l’argent sur notre dos déjà bien courbé. Il faut croire que l’homme moderne a une mentalité d’esclave finalement.
L’histoire n’est qu’un éternel recommencement !
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Il n’y a pas si longtemps, les bouteilles en verre étaient consignées puis on a fait croire que le consommateur préférait le jetable et le plastique a permis des gains supplémentaires à certains : http://www.ina.fr/economie-et-societe/environnement-et-urbanisme/video/CAF94072652/vie- moderne-les-ordures.fr.html
Le jetable paraissait à l’époque traduire la marche « inéluctable » du progrès. Aujourd’hui, de la caisse du supermarché à la taxe d’ordures ménagères, nous le payons plusieurs fois. Notre production est supérieure à ce que nous pouvons absorber et il existe différents plastiques. On nous vante les chiffres du recyclage pour les déchets post-consommation en omettant la dure réalité. Voir à ce sujet encore la communication du navigateur Charles Moore lors d’une conférence TED (1) : « Moins de 5 % du plastique produit est recyclé, c’est que dalle ! »
Plus aucun coin du globe n’est épargné ! Dans l’océan austral, « Les scientifiques de l’expédition Tara ont ainsi estimé la présence de jusqu’à 50000 fragments de plastique par kilomètre carré. (..) L’essentiel de cette pollution est constituée de fine particules et de fibres synthétiques en provenance de l’industrie textile. Cette pollution se propage dans la chaîne alimentaire et contamine de nombreuses espèces animales. » (6)
Que faire ?
En bref, les océans se meurent, la faune et les hommes sont intoxiqués à cause de ce plastique mais au lieu de nous lamenter, essayons de mettre en pratique à notre niveau, les multiples solutions qui s’offrent à nous afin de réduire son impact planétaire. Si déjà, nous étions capables de bannir les produits à usage unique, ce serait un grand pas en avant. Il n’y a pas de solution idéale mais en attendant un ordinateur en arboform (7), des emballages issus de la caséine de lait (déjà en vente) etc. nous pouvons réclamer au moins des consignes pour les bouteilles en plastique comme cela se fait déjà dans d’autres pays. A notre échelle, nous devons enquêter sur le devenir réel de ce que l’on met consciencieusement dans nos poubelles de tri… De même, les pétitions contre le plastoc sont nombreuses. Les signer, ne mange pas de pain.
Les tendres peuvent aussi ramasser sur les plages tout ce qu’ils trouvent mais au lieu de faire gratuitement le boulot des éboueurs au bénéfice de tous les bronzés qui s’étalent l’été, il serait préférable de déposer ces déchets (ceux en plastique pas les vacanciers) dans des cartons et les remettre à nos députés, cela peut aider à faire comprendre les enjeux. Exemple, la nécessité d’un système de retenue à l’embouchure des fleuves pour que la bouteille jetée dans le Gardon ne se retrouve pas via le Rhône, échouée sur la côte au Proche-Orient…
Pour les rebelles, l’autre façon au quotidien de lutter contre les emballages qui nous sont imposées, c’est de les laisser dans le caddie faute de pouvoir choisir un contenant en carton ou en plastique recyclable. Quant aux bouteilles d’eau, laissons-les toutes sur les présentoirs, une arme pacifique imparable ! Des villes aux U.S.A ou en Australie ont carrément interdit la vente des petites bouteilles et n’oublions pas que « L’énergie nécessaire à produire, transporter, réfrigérer et se débarrasser d’une bouteille en plastique revient à la remplir au quart de pétrole ».
Mais les sceptiques savent qu’au final, seule une vie plus sobre pourra réellement inverser la donne et s’y sont mis sans prosélytisme. L’écologie radicale (non représentée politiquement) n’a pas pour but de culpabiliser, de faire de la morale ou de traiter des sujets à la mode. Plutôt engagée dans le milieu associatif et les propositions concrètes de l’économie sociale, elle nous invite à réfléchir à la nécessité de changer… pour préserver notre liberté justement !
Certaines solutions sont simples à suivre, d’autres exigent un cheminement pas facile. A chacun de trouver sa route…
I
l serait dommage que les futures générations n’aient d’autre choix que de partir à l’assaut des continents de plastique laissés par leurs aïeux.
Références
http://ddc.arte.tv/nos-cartes/des-iles-de-dechets#
(1) http://www.ted.com/talks/lang/fr/capt_charles_moore_on_the_seas_of_plastic.html
(2) http://www.regardsurlemonde.fr/blog/les-gigantesques-continents-de-dechets-plastiques-des- oceans-pacifique-nord-et-atlantique
(3) « Les océans sont animés par des courants marins qui proviennent de la combinaison de plusieurs phénomènes. Ces courants marins sont importants car ils régulent le déséquilibre thermique de la Terre entre les tropiques et les pôles. Et la combinaison de ces courants produit des phénomènes appelés gyres océaniques. » http://ddc.arte.tv/nos-cartes/des-iles-de-dechets
(4) http://www.univ-paris1.fr/fileadmin/MRIAE/CESM/CESM_-_Les_iles_dechets.pdf
(5) http://www.fastcompany.com/1614864/paradise-recycled-architects-dream-turning-great-pacific- garbage-patch-habitable-island
(6) http://www.espace-et-mer.com/pl/news.pl?lg=fr&pg=40&itm=2933
(7) http://eco-revolution.fr/article-418-du-bois-liquide-pour-remplacer-le-plastique
—————————————————
Pour en savoir sur le plastic et ses effets :
– un livre
http://www.babelio.com/livres/Boote-Plastic-Planet—La-face-cachee-des-matieres-synth/350451
– un film
http://www.actes-sud.fr/actualites/plastic-planet-de-werner-boote-au-cinema
et encore :
http://www.dailymotion.com/video/xt51r3_planete-plastique_webcam#.UQseNR1huuI
Un livre important :
« La nécessité d’une écologie radicale », auteur Anne Frémaux
Editeur « Sang de la Terre »
Pour suivre les explorateurs des temps modernes :
http://www.cnes.fr/web/CNES-fr/9989-em-le-cnes-embarque-pour-le-septieme-continent.php
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